Multilatéralisme / 多边主义
RÉSUMÉ
Dans le contexte de l’ONU, le «multilatéralisme » se définit communément par l’interaction diplomatique coordonnée entre trois États ou plus (ou d’autres acteurs) menée dans le cadre d’organisations internationales en conformité avec leurs règles. Souvent, le terme de « multilatéralisme » est utilisé comme synonyme de « système multilatéral », faisant référence au système consistant en des organisations telles que l’ONU, l’OTAN, la BM, le FMI et l’UE développées après la Seconde guerre mondiale. En tant que tel, le « multilatéralisme » est une source de règles et de normes de coopération internationale (comme l’Agenda 2020 du développement durable et l’Accord de Paris sur le climat), tandis que le « système multilatéral » décrit l’ordre mondial libéral.
Le gouvernement chinois, en particulier dans sa communication en anglais, souligne fréquemment l’engagement de la Chine en faveur du « multilatéralisme », citant en exemple la nouvelle route de la soie (BRI selon l’acronyme anglais) et affirmant que « plus de 160 pays et organisations internationales ont signé des documents de coopération de la BRI avec la Chine ».[1] Sur le plan interne, en revanche, les dirigeants chinois décrivent le système multilatéral existant basé sur des règles comme non « juste et équitable », mais comme « sauvegardant les intérêts étroits d’un groupe ».[2] La BRI y est présentée à son tour comme un « multilatéralisme aux caractéristiques chinoises » basé sur des « consultations conjointes » dans lequel les interactions avec d’autres pays s’appuient sur des accords bilatéraux et non sur des règles universellement contraignantes pour la coopération internationale. La vision chinoise du multilatéralisme est pour sa part plutôt un « multi-bilatéralisme ».
ANALYSE
Après son accession au pouvoir en 2013, Xi Jinping a imprimé un virage à la politique extérieure du pays, l’orientant vers une « diplomatie de grandes puissances » plus proactive dont la BRI est la manifestation la plus visible. Créée avec l’objectif d’accroître la coopération avec les pays voisins, la BRI s’est rapidement étendue pour se transformer en une initiative orientée sur le reste du monde. Dans leurs communications en anglais, le gouvernement chinois et les médias du PCC soulignent fréquemment que la Chine est une « défenseuse du multilatéralisme », qu’elle va « adhérer au multilatéralisme » ou qu’elle s’engage à « sauvegarder le multilatéralisme ». Pour Xi Jinping, l’objectif du multilatéralisme est de construire une « communauté d’avenir commun pour l’humanité » (人类命运共同体). Selon cette conception, le multilatéralisme « ne devrait pas emprunter l’ancienne voie consistant à sauvegarder les intérêts étroits d’un groupe »[3], laissant entendre que « les règles internationales devraient être écrites en commun par tous les pays » et impliquant que le système multilatéral actuel est injuste et que ses règles devraient être réécrites. Les médias d’État chinois ont appelé cette posture « Xiplomacy » (习式外交).
En octobre 2019 a paru dans le périodique du PCC Xuexi Shibao (Temps d’étude) un article intitulé « Utiliser la pensée de Xi Jinping comme guide pour promouvoir un multilatéralisme aux caractéristiques chinoises ». Élaboré par le Département de planification politique du Ministère des Affaires étrangères, cet article soutient que les « affaires internationales devraient être traitées en concertation par tous les pays, en accord avec les règles adoptées par tous les pays et en prenant en compte les intérêts légitimes et inquiétudes de tous les pays ».[4] En outre, le MAF a suivi les racines de l’approche chinoise du multilatéralisme jusque dans l’antiquité chinoise : « dans la Chine antique, les alliances de Kuqiu et de Zhangye reflétaient la culture politique traditionnelle de coopération par la consultation consistant à rechercher un terrain commun tout en maintenant les différences, dans le respect des traités et en tenant ses promesses. »
Dans son rapport au XIXe Congrès National du PPC, Xi Jinping a décrit sa vision du multilatéralisme comme « dialogue sans confrontation, partenariat sans alliance » (对话而不对抗、结伴而不结盟), laissant entendre que la Chine s’opposait aux règles universellement contraignantes de la coopération internationale, mais qu’elle interagirait avec d’autres pays au moyen de consultations bilatérales.[5] Un exemple très récent est la tentative du G20 de se mettre d’accord sur une solution multilatérale pour l’allègement de la dette des pays africains touchés par le Covid-19. La Chine a soutenu qu’elle appuyait les décisions multilatérales visant à aider les pays à faibles revenus à répondre de manière appropriée aux questions relatives au risque d’endettement et qu’elle était disposée à maintenir la communication avec les pays touchés au moyen de canaux bilatéraux.[6]
[1] Agence de presse Xinhua, « Xi Jinping – A Champion of Multilateralism in a World of Contradictions », Agence de presse Xinhua, 19/11/2019, disponible sur http://www.xinhuanet.com/english/2019-11/19/c_138567337.htm.
[2] Qiushi, « 以习近平外交思想为指引深入推进中国特色多边主义 » [Utiliser la pensée de Xi Jinping comme guide pour promouvoir un multilatéralisme aux caractéristiques chinoises], Qiushi, 25/10/2019, disponible sur http://www.qstheory.cn/llwx/2019- 10/25/c_1125151043.htm
[3]Ibid.
[4]Ibid.
[5] Agence de presse Xinhua, « 习近平提出,坚持和平发展道路,推动构建人类命运共同体 » [Xi Jinping exhorte à persister sur la voie du développement pacifique et à promouvoir la construction d’une communauté d’avenir commun pour l’humanité], Agence de presse Xinhua, 18/10/2017, http://www.xinhuanet.com/politics/19cpcnc/2017- 10/18/c_1121821003.htm
[6] Huanqiuwang, « 中方是否将减免非洲最贫穷国家债务?外交部回应 » [La Chine annulera-t-elle la dette des pays africains les plus pauvres ? Réponse du Ministère des Affaires étrangères], Huanqiuwang, 7/4/2020, https://world.huanqiu.com/article/3xk2j94JzGf